La reconnaissance du blogueur efficace en concurrent des médias tradis.
Laurent Guimier Directeur de France Info
D'abord, voici l'article de Laurent Guimier
Franchement, il fait du bien au blogueur / bidouilleur et chef de projet mobile que je suis.
Depuis que j’ai, pour la première fois, laissé aller mon clavier sur un blog (c’était en 2006 je crois, en rencontrant par hasard l’autre andouille de Damien Van Achter, et en ouvrant un espace sur 20six.fr (paix à son âme. 20six, pas Damien); je me suis dit “opitaing, les journaux sont morts”.
Depuis tout ce temps, et en me rapprochant progressivement du monde des médias pour activité professionnelle, je n’ai eu de cesse d’expliquer à mes collègues journalistes que “non les blogueurs n’ont pas forcément tous douze ans, non ils n’ont pas forcément tous une orthographe déplorable, non ils n’ont pas tous un cerveau de poule qui picore sur Skyblog, oui certains d’entre eux sont tout à fait capable de vérifier le qui, quand, comment, pourquoi, où; oui certains d’entre eux sont parfois largement plus spécialisés qu’un journaliste lambda dans leur thématique de prédilection; mieux encore, certains d’entre eux sont blogueurs le dimanche et journalistes la semaine; et oui oui oui parce qu’ils parlent de ce qu’ils aiment, ils vont souvent beaucoup plus vite et mieux que les médias traditionnels…”
Je suis toujours étonné, depuis lors, de cet étrange esprit de coterie qui colore les réponses de mes collègues. Au “oui tu as raison mais” qu’on m’oppose régulièrement depuis 10 ans, avec parfois de bons arguments, s’ajoutent de plus en plus -sans doute par effet d’animal blessé poussé dans ses retranchements- des considérations qui doivent peu à la qualité intrinsèque du blogueur ou à la nature de sa création de valeur informative éventuellement exploitable en environnement média.
Non, bien souvent désormais, on me rétorque son appartenance ou non à la grande “famille” des journalistes officiels titulaires de la carte de presse, qui agirait comme un sésame d’accès à la création d’information. C’est peu dire que me rendre compte que le patron de la rédaction de France Info tient en estime les capacités des blogueurs, les quidams, à souvent égaler ou surpasser les rédactions traditionnelles, fait chaud au coeur du blogueur que je suis depuis tout ce temps. Mais passons cette séquence baume au coeur qui n’apporte pas grand chose au débat que je soutiens.
Franchement, il fait du bien au blogueur / bidouilleur et chef de projet mobile que je suis.
Depuis que j’ai, pour la première fois, laissé aller mon clavier sur un blog (c’était en 2006 je crois, en rencontrant par hasard l’autre andouille de Damien Van Achter, et en ouvrant un espace sur 20six.fr (paix à son âme. 20six, pas Damien); je me suis dit “opitaing, les journaux sont morts”.
Depuis tout ce temps, et en me rapprochant progressivement du monde des médias pour activité professionnelle, je n’ai eu de cesse d’expliquer à mes collègues journalistes que “non les blogueurs n’ont pas forcément tous douze ans, non ils n’ont pas forcément tous une orthographe déplorable, non ils n’ont pas tous un cerveau de poule qui picore sur Skyblog, oui certains d’entre eux sont tout à fait capable de vérifier le qui, quand, comment, pourquoi, où; oui certains d’entre eux sont parfois largement plus spécialisés qu’un journaliste lambda dans leur thématique de prédilection; mieux encore, certains d’entre eux sont blogueurs le dimanche et journalistes la semaine; et oui oui oui parce qu’ils parlent de ce qu’ils aiment, ils vont souvent beaucoup plus vite et mieux que les médias traditionnels…”
Je suis toujours étonné, depuis lors, de cet étrange esprit de coterie qui colore les réponses de mes collègues. Au “oui tu as raison mais” qu’on m’oppose régulièrement depuis 10 ans, avec parfois de bons arguments, s’ajoutent de plus en plus -sans doute par effet d’animal blessé poussé dans ses retranchements- des considérations qui doivent peu à la qualité intrinsèque du blogueur ou à la nature de sa création de valeur informative éventuellement exploitable en environnement média.
Non, bien souvent désormais, on me rétorque son appartenance ou non à la grande “famille” des journalistes officiels titulaires de la carte de presse, qui agirait comme un sésame d’accès à la création d’information. C’est peu dire que me rendre compte que le patron de la rédaction de France Info tient en estime les capacités des blogueurs, les quidams, à souvent égaler ou surpasser les rédactions traditionnelles, fait chaud au coeur du blogueur que je suis depuis tout ce temps. Mais passons cette séquence baume au coeur qui n’apporte pas grand chose au débat que je soutiens.
La prise de conscience que le format web des médias n’est pas forcément mûr(i).
Au chef de projet mobile que je suis, c’est une autre phrase de la bafouille de Laurent Guimier qui m’a particulièrement interpellé, parce qu’elle rejoint un autre cheval de bataille que j’ai depuis une poignée d’années maintenant: l’avènement d’un vrai média mobile. Mais commençons par citer la phrase du journaliste qui m’a fait percuter:
Longtemps, les médias audiovisuels (moi le premier) ont cru que leurs sites d’infos devraient forcément ressembler aux sites de presse (un contenu, c’est forcément un titre, une photo, une légende, des paragraphes et des intertitres). Erreur. Au début des années 2000, la presse écrite, pionnière par nécessité industrielle, a logiquement dessiné le web à son image. Les autres médias ont emboîté le pas, sans se demander si leur empreinte numérique leur ressemblait. Echec. (1)
Bon sang, mais c’est bien sûr…. Passons la prise de conscience que le modèle formel / financier / objectifs des médias en ligne n’a que dix ans et du coup on est loin d’avoir le recul nécessaire pour en tirer des conclusions (100 ans de presse, 50 ans de télé), Guimier m’éclaire sur une question que je me pose régulièrement: pourquoi les rédactions numériques se prétendant mobile-ready ou mobile-first abordent-elle les opportunités du média mobile avec autant de paresse, aussi peu d’originalité alors qu’aujourd’hui, le renversement de l’audience tend de plus en plus à accréditer les supports mobiles comme les vecteurs principaux de la consultation d’un contenu journalistique?
Bon sang mais c’est bien sûr: parce que les médias approchent le mobile, comme elles ont abordé le web pardi, en y dupliquant une formule tendant à prioriser l’article titre-photo-légende-intertitre hérité de la presse écrite, c’est à dire sans se poser la question de la spécificité du média-employeur sur le support mobile, c’est à dire sans se poser la question du désir de son audience envers ce nouveau support mobile (où le gif et la mini vidéo facebook ont autant sinon plus encore que sur le web “de bureau” valeur d’information sans filtre média).
N.B: tu en doutes? Fais un test: demande à ta rédaction numérique quel est le dernier contenu différent qui a été mis en une du mobile et pas sur le web. Continue en demandant quel papier ils ont retouché récemment pour l’adapter aux contraintes / besoin du mobile (média d’alerte, média snacké)
Je pourrais ajouter aussi, avec la pointe de cynisme qui me caractérise, que le déni des pratiques adoptées par des “non journalistes”, sur le mobile comme ailleurs, accroît l’immobilisme des rédactions installées. Et tandis que sur Snapchat, facebook, Periscope, facebook live des quidams inventent la grammaire des nouveaux outils mobiles dont ils sont les “consommacteurs” , les rédactions peinent à s’approprier ces nouveaux supports, à y assurer une présence pertinente, en essayant d’y placer des ronds dans des trous carrés, c’est-à dire en essayant de faire entrer un modèle de presse écrite dans un support qui s’accommode au mieux de l’instantanéité, de l’urgence, de l’image percutante, de la vidéo courte et virale.
Alors je milite pour que naisse au sein de je ne sais quel groupement de journalistes auquel je participerais volontiers (en qualité de chef de projet spectateur sans carte), pour que tous les médias se mettent à interroger ensemble (pour gagner du temps et de l’argent) le support sur lequel ils sont forcés par l’accroissement des usages, de véhiculer ce que Guimier appelle justement “leur savoir faire”: la vérification, la synthèse, la prise de recul.
Plutôt que de continuer une course de poulet sans tête à coups d’applications dans lesquelles l’actualité du journal de demain est formatée en scroll haut bas ou (summum de l’innovation) scoll droite gauche, imaginer ce que le mobinaute de 15 ans aujourd’hui attend d’un média sur le mobile. Ou mieux encore, ce que le mobinaute de 15 ans attend d’un média sur le mobile au moment de son voyage en métro, vs au moment de son affalement dans un canapé.
Puis, une fois qu’on aura testé, innové, proposé, imaginé, statistiqu-isé les usages réellement demandés par la cible (N.B: j’ai suivi avec intérêt les expériences du défunt Circa news aux US, et les prémices de pitchmynews en France), voir comment on peut mettre les rédactions, les humains doués d’un savoir-faire, en ordre de bataille pour tranformer leurs pratiques issues des habitudes et usages de la presse papier en une expertise de la production d’information adaptée au support qui le contient ET aux envies de celui qui va les consulter. Transformer les pratiques issues du journalisme de presse écrite en un journalisme orienté objets.
Parce qu’à mon sens le mobile, ce petit objet connecté en forme d’usine à consommer et produire des contenus texte, audio, audiovisuels, des alertes, du média citoyen, mérite mieux que la resucée sur un petit écran des modalités de la presse écrite: modèle que même le patron de la première radio tout info de France, admet ne pas être forcément celui qui aurait du obtenir l’unanimité.
Et si on commençait vraiment à faire du journalisme (pour le) mobile?
Bon sang mais c’est bien sûr: parce que les médias approchent le mobile, comme elles ont abordé le web pardi, en y dupliquant une formule tendant à prioriser l’article titre-photo-légende-intertitre hérité de la presse écrite, c’est à dire sans se poser la question de la spécificité du média-employeur sur le support mobile, c’est à dire sans se poser la question du désir de son audience envers ce nouveau support mobile (où le gif et la mini vidéo facebook ont autant sinon plus encore que sur le web “de bureau” valeur d’information sans filtre média).
N.B: tu en doutes? Fais un test: demande à ta rédaction numérique quel est le dernier contenu différent qui a été mis en une du mobile et pas sur le web. Continue en demandant quel papier ils ont retouché récemment pour l’adapter aux contraintes / besoin du mobile (média d’alerte, média snacké)
Je pourrais ajouter aussi, avec la pointe de cynisme qui me caractérise, que le déni des pratiques adoptées par des “non journalistes”, sur le mobile comme ailleurs, accroît l’immobilisme des rédactions installées. Et tandis que sur Snapchat, facebook, Periscope, facebook live des quidams inventent la grammaire des nouveaux outils mobiles dont ils sont les “consommacteurs” , les rédactions peinent à s’approprier ces nouveaux supports, à y assurer une présence pertinente, en essayant d’y placer des ronds dans des trous carrés, c’est-à dire en essayant de faire entrer un modèle de presse écrite dans un support qui s’accommode au mieux de l’instantanéité, de l’urgence, de l’image percutante, de la vidéo courte et virale.
Alors je milite pour que naisse au sein de je ne sais quel groupement de journalistes auquel je participerais volontiers (en qualité de chef de projet spectateur sans carte), pour que tous les médias se mettent à interroger ensemble (pour gagner du temps et de l’argent) le support sur lequel ils sont forcés par l’accroissement des usages, de véhiculer ce que Guimier appelle justement “leur savoir faire”: la vérification, la synthèse, la prise de recul.
Plutôt que de continuer une course de poulet sans tête à coups d’applications dans lesquelles l’actualité du journal de demain est formatée en scroll haut bas ou (summum de l’innovation) scoll droite gauche, imaginer ce que le mobinaute de 15 ans aujourd’hui attend d’un média sur le mobile. Ou mieux encore, ce que le mobinaute de 15 ans attend d’un média sur le mobile au moment de son voyage en métro, vs au moment de son affalement dans un canapé.
Puis, une fois qu’on aura testé, innové, proposé, imaginé, statistiqu-isé les usages réellement demandés par la cible (N.B: j’ai suivi avec intérêt les expériences du défunt Circa news aux US, et les prémices de pitchmynews en France), voir comment on peut mettre les rédactions, les humains doués d’un savoir-faire, en ordre de bataille pour tranformer leurs pratiques issues des habitudes et usages de la presse papier en une expertise de la production d’information adaptée au support qui le contient ET aux envies de celui qui va les consulter. Transformer les pratiques issues du journalisme de presse écrite en un journalisme orienté objets.
Parce qu’à mon sens le mobile, ce petit objet connecté en forme d’usine à consommer et produire des contenus texte, audio, audiovisuels, des alertes, du média citoyen, mérite mieux que la resucée sur un petit écran des modalités de la presse écrite: modèle que même le patron de la première radio tout info de France, admet ne pas être forcément celui qui aurait du obtenir l’unanimité.
Et si on commençait vraiment à faire du journalisme (pour le) mobile?