Bonjour à tous, c’est l’heure de notre chronique Mobile Business, avec Jérôme Bouteiller, rédacteur en chef de Ecran Mobile, accompagné ce mois-ci de Fabien Omont, Directeur Marketing Produit chez Adform, qui sont venus ce matin nous parler de mobile, de publicité et de développement durable. Alors avant de nous expliquer comment le marketing mobile peut jouer un rôle dans la réduction des gaz à effet de serre, Jérôme, pouvez-nous nous redonner quelques éléments de contexte ? Que pèsent le numérique et le mobile dans la production de gaz à effet de serre ?
Jerome - Bonjour Delphine. Vous avez certainement consulté le dernier rapport du GIEC, qui nous confirme que la décennie 2011-2020 a été la plus chaude depuis 125 000 ans, que le taux de CO2 dans l’atmosphère atteint des niveaux qu’on avait pas eu depuis 2 millions d’années et que nous aurons un réchauffement global des températures de 1.5 °C d’ici 2030, ce qui devrait avoir un impact direct sur le quotidien des 3,3 milliards de personnes qui vivent dans des zones qui sont déjà vulnérables au changement climatique.
La grande question est de savoir si nous pouvons inverser cette tendance en atteignant la « neutralité carbone dès 2050, et ainsi éviter les scénarios catastrophes, qui anticipent une hausse de 3° des températures avant la fin de ce siècle.
Delphine - Quel pèse le numérique et le mobile dans ces émissions de carbone ?
Jerome - Alors historiquement, les premiers postes d’émission de CO2 étaient la production d’électricité domestique, avec 41% des gaz à effet de serre, suivie des transports, 24% et de l’industrie, environ 19%.
Selon The Shift Project, le numérique ne pesait que 3 à 4% des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde en 2018. Mais à raison de +8% de croissance annuelle, il pourrait représenter 8% des émissions de carbone dès 2025 !
Si des secteurs tels que l’agriculture, l’automobile ou le bâtiment multiplient les initiatives depuis une dizaine d’année, le numérique et le mobile avaient tendance à négliger ce sujet.
Delphine - Quels sont les chiffres pour la France ?
Jerome - En France où la production d’électricité émet peu de carbone grâce au nucléaire, les chiffres sont moins élevés. Selon des calculs réalisés le mois dernier par l’ADEME et l’ARCEP, le numérique pesait en 2020 2,5% de l’empreinte carbone nationale française, essentiellement du fait des terminaux (79%), des centres de données (16%) et des réseaux (5%).
Mais si rien n’est fait, l’ADEME et l’ARCEP redoutent une croissance de +65% du nombre de terminaux, de 600% du trafic de données ce qui pourrait entraîner une croissance de 45% des émissions de carbone à l’horizon 2030 (l’équivalent de 25 Millions de tonnes de carbone), et même de 187% à l’horizon 2050. (49,4 Mt), ce qui représenterait à cet horizon près de 10% des émissions de GES nationales.
Delphine - Concrètement, quelles sont les solutions ?
Jerome - Le premier effort doit d’abord concerner les terminaux comme les smartphones, qui ne sont plus fabriqués en France, mais que nous continuons d’acheter massivement.
L’Ademe recommande de privilégier des modèles « éco-conçus », par exemple à partir de matériaux recyclés, d’en acheter moins, et d’attendre 3 ou 4 ans avant de renouveler son smartphone, contre environ 2 ans actuellement. On peut également se tourner vers des appareils d’occasion, pour prolonger leur durée de vie, dans une logique déjà bien connue d’économie circulaire.
L’Ademe recommande également d’opter pour une “sobriété numérique” en évitant de multiplier les périphériques : oreillettes, wearables, tablettes, etc… qui seront potentiellement 2 fois plus nombreux que nos smartphones.
Delphine - Un effort également en matière du côté des réseaux ?
Jerome - Oui le second effort doit se situer au niveau de notre bande passante, qui représente lus de 20% des émissions de carbone du numérique. Selon l’ADEME, l’impact environnemental de la transmission de données sur un réseau fixe est de l’ordre de 18 gCO2e / Go contre plus de 50 gCO2e / Go sur un réseau cellulaire.
Il faut donc tenter de consommer moins de fichiers vidéo, privilégier le Wifi aux réseaux 4G ou 5G, mais également privilégier la basse définition à la haute définition.
Malheureusement, cela va à l’encontre de nos usages. Selon le Ericsson Mobility Report, la vidéo devrait représenter 76% de la bande passante des réseaux cellulaires à l’horizon 2026, contre environ 64% en 2020. Et une vidéo peut facilement consommer à elle seule 100 grammes de CO2, contre à peine 0,01 gramme pour un SMS. C’est 10 000 fois plus.
Delphine - Une transition écologique qui va donc passer par un changement dans nos usages ?
Jerome - Oui et surtout par une prise de conscience de l’ensemble du secteur, qu’il s'agisse tant des consommateurs que des professionnels.
Toutes les grandes entreprises ont désormais l’obligation de publier un rapport RSE, incluant leur production de gaz à effet de serre, et le secteur du numérique devrait complètement se transformer, au cours des prochains mois, afin non seulement de mesurer cette production de carbone, mais également on l’espère, pouvoir sensiblement la réduire avant qu’il ne soit trop tard...
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