Tv5Monde et mobilité - Interview par Journalismemobile.com


Cet hiver, portant ma casquette professionnelle de responsable des projets mobiles chez TV5MONDE, j'ai été interviewé par Sophie Wiessler. Sophie était à l'époque en fin de Master 2 de journalisme et médias numériques à l'université de Lorraine. Elle cherchait à faire le tour de la question "Journalisme et mobilité". Vaste programme.



TV5MONDE petit poucet du mobile.

Auteur d'un blog de fin d'étude dédié au journalisme mobile, Sophie a pris contact avec moi, pas uniquement pour ma légendaire grande gueule, mais aussi et surtout pour comprendre quel rapport mon employeur entretient avec la mobilité. Elle cherchait aussi à savoir ce que j'imaginais du haut de mon fauteuil à clou de devin serait le journalisme et les médias mobile dans les mois ou les années à venir.

L'occasion de parler, un peu, de ce petit poucet mobile aux ambitions mondiales qu'est TV5MONDE et de notre obligation à être parmi les premiers à délivrer l'essentiel de notre télévision sur le mobile, surtout dans les parties du monde où le TPE (très petit écran) risque bien d'être le seul écran que notre audience possède un jour.

 

Un même métier, sur de nouveaux supports, avec de nouvelles exigences.

La seconde question posée, concernait l'avenir du journalisme. Est-ce que l'avenir du journalisme va se passer sur le mobile. La réponse est évidemment oui. Chaque jour les chiffres de fréquentation et d'audience, ainsi que les études prospectives, nous démontrent que l'avenir des médias se jouera sur le mobile.  Ceci étant dit comme une vérité indéniable se pose la question du "comment".

Aborder le "comment" même dans le temps très court de la réponse à une question vidéo, c'est toujours pour moi montrer que cette révolution implique de réussir deux challenges majeurs. Le premier est celui de l'outil de production. Comment faire en sorte que des mécaniques et logiciels construits pour adresser la planification et la diffusion de programmes de télévision selon une grille horaire quotidienne, puisse se "tordre" ou évoluer afin de se transformer en usine de diffusion de contenus audiovisuelle, alors qu'on s'achemine lentement mais sûrement vers la fin de la grand messe de 20H chez les plus jeunes spectateurs, gros consommateurs de contenus audiovisuels à table, au fond du lit, dans le cabinet du toubib (pour parodier la pub de la nouvelle appli France Télé Zoom sortie ce jour)

Comment faire en sorte que les routines qui empêchaient de mettre en ligne à l'antenne TV deux fois un même programme à la suite, puissent aussi gérer la vérification de la présence d'un titre efficace, de vignettes attractives, de résumés pertinents pour la structuration des offres non linéaires et pour le Search Engine Marketing. Et je ne parle ici que de "mécanique". On pourrait appliquer la même réflexion aux métiers. Comment faire en sorte que les personnes en charge de l'intégrité des programmes (qualité d'image, du son, pertinence) deviennent aussi garants de l'efficacité du classement des titres, de l'orthographe des noms, de la qualité des séquences?

Journalistiquement parlant, puisque c'était le sujet de Sophie, comment amener les bases immuables du journalisme fils de Zola et d'Albert Londres vers des univers d'apparence plus technique. Comment expliquer à des artistes du fond et de la forme d'un contenu, qu'une partie de l'efficacité de leur métier se joue désormais main dans la main avec les détenteurs de la forme. Comment les accompagner dans la compréhension que leur métier de porteur de savoir acquiert une portée plus grande, et une existence réelle, seulement s'il s'accompagne de méthodes en favorisant la syndication, la recherche, le partage.

Inventer l'écriture du support mobile

Enfin, Sophie me demandait si l'avenir du journalisme passe par le mobile. Il m'aurait suffi de répondre oui, tant le secteur est désormais bien conscient à coup de statistiques de visites, et de prospective de cabinets spécialisés. 

Mais j'ai pour ce sujet quelques "étendards que j'aime à défendre". Ainsi la question m'a permis d'évoquer le phénomène actuel de l'adaptation au mobile. En effet depuis le second semestre 2014 il n'est pas une conférence de presse annonçant la refonte du papier ou du site web d'une entreprise média en France, qui n'évoque sa nouvelle conception en mode "Mobile First". Les plus fidèles lecteurs savent que j'enrage - gentiment mais quand même - sur l'usage galvaudé de ce terme par les médias hexagonaux actuels souvent poussés dans l'exercice de communication par leurs régies publicitaires convaincues que placer le terme en conférence de presse est une perche tendue aux annonceurs pas encore très matures sur le domaine (Ex interview de Pierre-Laurent Mazars du JDD  ou encore Cyril Petit). Pas plus tard que ce weekend d'ailleurs je discutais avec Johan Hufnagel de Libération à coups de twits interposés, et il me disait que la réflexion de la nouvelle maquette du journal s'accompagnait d'une réflexion mobile first consistant à écrire d'abord certaines rubriques sur le mobile puis les décliner en web et sur le papier, alors que la plus grande partie des contenus de la nouvelle structure passera du web au mobile et du web au papier. Mobile first vraiment???
  Du coup, Sophie m'a donné l'occasion d'enfourcher rapidement mon cheval de bataille sur le sujet et rappeler que l'avenir du journalisme sur le mobile ce n'est pas que de savoir si un contenu rédigé pour le web sera lisible clairement sur un mobile, premier point d'accès à ce contenu pour une nombre croissant de lecteurs, mais bien plutôt comment le "mobile first" pour les spectateurs, s'accompagnera d'une mutation complète des rédactions, pour penser une écriture ou une production visuelle dédiée d'abord au mobile, et ensuite seulement transformée, ou traitée différemment sur le web, et dans le meilleur des cas, encore différemment dans une édition papier (ou un DVD, webdoc...) pour une consommation à froid. En gros comment passer du ATAWAD (anytime anywhere any device) actuel, qu'on nous vend comme du mobile first, à un vrai média multiplateformes qui structure ses contenus différemment en fonction de l'écran d'affichage, du moment de la journée, ou du type de support auquel il s'adresse (question abordée par Sophie aussi à Edouard Andrieu au Monde, qui signale qu'il y a des attentes peut-être différentes de l'audience, même si le titre n'a pas encore trouvé les métriques d'analyse de ces attentes spécifiques).


Bref, au delà du plaisir de l'égo trip consistant à placer trois fois ma bobine dans un seul article, je vous invite aussi à découvrir le "blog de fin d'études" dédié au mobile journalisme, construit par la Lorraine Sophie Wiessler.
J'ai créé le site journalismemobile.com, qui reprend toutes les actualités concernant les supports mobiles dans le journalisme. Vous y retrouverez déjà une cinquantaine de contenus, de la veille, des reportages, des interviews, etc. pour suivre les évolutions en cours autour du mobile et de l'information.Mis en ligne en avril 2015 et alimenté encore aujourd'hui.

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Chef de projet web et mobile en agence et chez l’annonceur, depuis 2001. Développement de… En savoir plus sur cet auteur

Mercredi 3 Juin 2015

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