Jeremy Allaire "Circle est une solution de paiement nativement intégrée aux messageries mobiles"


Ex Macromedia et Brightcove, Jeremy Allaire quitte l'univers de la vidéo pour se lancer dans la fintech avec Circle, une application basée sur le bitcoin et qui veut révolutionner les paiements mobiles. Explications



JB - Pourquoi avoir quitté Brightcove pour créer Circle ?
 
JA - Comme vous le savez, Brightcove est une société cotée et je consacrais énormément de temps aux investisseurs qui scrutaient tous nos faits et geste ce qui était parfois pénible. J'avais envie de retrouver une certaine liberté et de renouer avec la création d'entreprise.
 
Avec mon associé, Sean Neville, nous regardions depuis déjà plusieurs années le phénomène Bitcoin et la technologie de la blockchain. Cela me rappelait mes études d'économie, à l'université, mais également la naissance du web, avec l'apparition d'un protocole ouvert comme le http. Et nous avons franchi le pas en créant une nouvelle société : Circle
 
 
JB - C'est quoi Circle, le "Netscape de la blockchain" ?
 
JA - Circle est une solution de social payment, basée effectivement sur la technologie blockchain, et fournissant une connectivité à l'argent et des services financiers au grand public. De la même manière que Amazon a compris que le protocole http allait facilement connecter les consommateurs, nous faisons le pari que tous les systèmes de transfert d'argent actuels vont être balayés par la blockchain.
 
Pour le moment, nous estimons que les start-up de la blockchain ne sont pas sérieuses. Et Circle entend au contraire s'imposer dans cet écosystème, en travaillant étroitement avec les gouvernements et l'industrie bancaire, afin de construire une plate-forme globale pour stocker et échanger de la valeur.
 
 
JB - Il existe pourtant déjà de nombreuses sociétés comme Paypal, également positionnées sur ce créneau…
 
JA - Je vois Paypal comme le AOL du paiement et je pense qu'ils seront balayés par l'arrivée de protocoles ouverts. Ces acteurs s'appuient en réalité principalement sur des technologies bancaires pour sécuriser les paiements, ce qui ne les empêche pas de facturer de très grosses commissions aux marchands, de l'ordre de 3%.
 
Internet a rendu l'usage du web ou du mail gratuits. La prochaine étape, c'est de réduire drastiquement le coût des transactions financières, en tendant vers zero.
 
Pour faire face à cette nouvelle donne, Paypal a lancé Venmo tandis que les grandes banques américaines se sont réunies autour de l'application Zelle. Mais je doute du succès de ces initiatives car ni Paypal, ni les banques n'ont intérêt à cannibaliser leur core business.
 
 
JB - Circle entend faire disparaître le coût des virements bancaires ?
 
JA - Circle entend effectivement réduire le coût des transactions d'un facteur 10, en tournant aux alentours de 0,2 à 0,3%. C''est un chiffre à mettre en perspective avec les 3% facturés par Paypal voire 5 à 10% chez des prestataires historiques du paiement international comme WesterUnion ou MoneyGram.
 
Mais Circle entend également innover avec une interface particulièrement intuitive et nativement intégrée à des applications de messagerie instantanée. Nous nous sommes inspiré des expérimentations d'Alibaba ou WeChat en Chine pour proposer une intégration de Circle à iMessage d'Apple, ce qui rend le transfert d'argent aussi simple qu'un transfert de SMS.
 
JB - Justement, ne craignez vous pas la concurrence des GAFA comme Google, Apple ou Facebook ?
 
JA - Non. Autant les champions chinois se transforment effectivement en banques, autant les groupes américains de l'internet sont prudents en matière de paiements. Prenez facebook par exemple, qui avait lancé sa propre monnaie, les Credits. Ils ont fait machine arrière et je ne pense plus qu'ils veuillent devenir une banque.
 
JB - Quels sont les objectifs de Circle ?
 
JA - Circle fêtera cet hiver son deuxième anniversaire et nous devrions franchir le cap du milliard de dollars de transactions, ce qui nous donne une croissance largement supérieure à celle de nos concurrents. Après les États-Unis, nous avons ouvert nos activités dans plusieurs pays européens cette année et Circle sera lancé en France l'année prochaine.
 
Notre objectif est d'imposer Circle comme l'outil de paiement de référence basé sur la technologie et de capter une part de marché significative, d'un business qui pèse près de 500 milliards de dollars
 
JB - A l'instar d'Apple avec Apple Pay, pourriez vous également révolutionner les paiements offline ?
 
JA - Apple ou Square ont effectivement fait du très bon boulot pour imposer le smartphone comme un outil de paiement mais quand le consommateur paie le marchand, il y a encore 7 autres intermédiaires qui prennent une commission. C'est absurde.
 
Circle se concentre pour le moment sur le paiement social, de personne à personne. Mais notre plate-forme ou nos technologies pourraient effectivement un jour adresser d'autres problématiques. Mais il est sans doute trop tôt pour en parler.
 
 
JB - Les grandes banques centrales vont elles accompagner, ou retarder l'émergence de ces technologies ?
 
JA - La Monnaie est une technologie et je rappelle souvent que le dollar est aujourd'hui avant tout une base de données sous Oracle… Mais le modèle bancaire actuel date de 1971 et il doit évoluer. La banque centrale chinoise par exemple est en train de placer la blockchain au cœur de son système bancaire ce qui lui permettra de réduire le coût des transactions et de réduire les risques de fraude.
 
Le gouvernement des Etats-Unis ne veut sans doute pas abandonner son contrôle sur le dollar mais je parie sur l'émergence de nouvelles formes de monnaies, comme les droits de tirages spéciaux du FMI, qui s'appuieront sans doute à leur tour sur la blockchain, pour établir un nouveau système financier international.

Démo vidéo de Circle


Pionnier de la presse en ligne avec le lancement de NetEconomie.fr en 1999, Jérôme Bouteiller est… En savoir plus sur cet auteur

Vendredi 21 Octobre 2016

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