Distraction Control : un ad-blocker au coeur de l’iPhone ?


Retrouvez la Chronique Mobile Business de Jérôme Bouteiller, Diffusée dans l'émission "Smart Tech" de Delphine Sabattier, sur BSMART TV



👩🏻‍🦰 C’est l’heure de notre rubrique Mobile Business et nous accueillons pour une 5e saison Jérôme Bouteiller, fondateur de EcranMobile.fr , qui vient nous parler cette semaine de « Distraction Controle », une nouvelle fonctionnalité de l’iPhone qui pourrait bloquer les publicités.

 

🧔🏻‍♂️ Bonjour Delphine ! Effectivement, 5 ans après ITP, qui compliquait la collecte des cookies sur Safari, 3 ans après ATT, qui imposait une seconde boite de consentement au sein des applications, Apple vient une nouvelle fois de se mettre à dos le monde des médias et de la publicité en annonçant une nouvelle fonctionnalité baptisée « Distraction Control ».

 

Lancée cette semaine avec iOS 18 et intégrée à Safari, le navigateur web de l’iPhone,  « Distraction Control » va permettre aux mobinautes de masquer des éléments d’une page web qui pourraient les « déconcentrer ». 

 

D’un coup de baguette magique, on peut ainsi masquer une publicité, des liens sponsorisés, un interstitiel, une vidéo et même une fenêtre de consentement, utilisée pour l’envoi de notifications ou la collecte de cookies.

 

👩🏻‍🦰 Une bonne nouvelle pour les utilisateurs mais une fonctionnalité qui inquiète les médias ?

 

🧔🏻‍♂️ Oui les médias digitaux sont inquiets car ils redoutent à juste titre le blocage des CMP, des fenêtres de consentement paradoxalement devenue aussi invasives que les pop-up publicitaires, mais qui permettent de mieux valoriser les inventaires.

 

Distraction Control pourrait par ailleurs bloquer l’affichage des publicités, principale source de revenus des médias en ligne, ce qui tombe très mal pour certains titres qui font désormais le pari d’abandonner le papier au profit d’une stratégie 100% digitale.

 

Le président d'Alliance Digitale, Nicolas Rieul, estime ainsi que : “Permettre aux internautes d’accéder à du contenu sans partager leurs données ou payer, c’est se rendre complice de vol. C'est comme si Apple leur donnait un moyen d’enlever le tourniquet des métros pour passer sans payer ».

 

 

👩🏻‍🦰 Quel peut être l’impact sur les médias ?

 

🧔🏻‍♂️ Il faut d’abord rappeler que cette fonctionnalité va se limiter aux appareils Apple, qui ne possède, malgré le succès de l’iPhone, qu’environ 30% de parts de marché en France.

 

Cette fonctionnalité va également se limiter à Safari, le navigateur web des appareils Apple, et ne touchera pas les applications. Selon une récente étude de l’ACPM, le web mobile représente encore environ 65% de l’audience des médias digitaux. Si Distraction Control se généralisait, ce serait donc potentiellement 20 à 25% de l’audience de la presse en ligne qui pourrait être privée de publicité ou de collecte de données.

 

Avant l’été, des associations professionnelles comme le GESTE, le SRI ou Alliance Digitale avaient envoyé une lettre ouverte à Tim Cook pour expliquer que ce dispositif allait non seulement à l’encontre des intérêts des médias, mais également à l’encontre des recommandations du RGPD, ce qui n’a toutefois pas suscité de réaction d’Apple, pourtant sensible aux questions liées à la vie privée.

 

👩🏻‍🦰 POURQUOI cela va-t-il à l'encontre du RGPD ?

 

🧔🏻‍♂️ Depuis sa mise en place en 2018, le règlement général pour la protection des données impose un cadre strict pour la collecte et l’exploitation de données personnelles.

 

Et dans le domaine publicitaire, c’es le principe du consentement qui s’est imposé, pour pouvoir déposer des cookies, et ainsi mieux cibler les internautes, mais également mesurer la pression publicitaire ou les audiences.

 

Si Distraction Control ne permet pas d’afficher les bandeaux cookies, les médias ne sauront plus si ils peuvent collecter des données personnelles, ce qui risque de les empêcher toute monétisation de leurs sites.

 

👩🏻‍🦰 Alors que va-t-il se passer, selon vous ?

 

A court terme, les médias vont sans doute subit ce dispositif, avec des internautes qui pourront accéder à leurs contenus sans avoir à accepter les cookies voire sans afficher de publicité.

 

A moyen terme, il est toutefois probable que des médias trouvent des solutions techniques pour bloquer les internautes utilisant Distraction Control, avec un message d’avertissement s’affichant avant même le « cookie wall ».

 

Mais la réponse risque d’être une nouvelle fois judiciaire, avec le constat d’une distorsion de concurrence entre les médias indépendants, et le média Apple.

 

 

👩🏻‍🦰 Parce que le modèle économique d'Apple repose aussi (en partie) sur la publicité...

 

🧔🏻‍♂️  On le sait peu mais Apple est devenu en quelques années un géant de la publicité digitale avec d’une part les commissions qu’il touche sur les liens sponsorisés de Google, qui s’affichent dans Safari, et qui seraient à l’origine de 20 milliards de dollars de revenus annuels.

 

Et après un faux départ dans le display, Apple est également devenu un champion de la publicité dans l’App Store, avec des liens et des bannières, qui devraient bientôt lui rapporter près de 10 milliards de dollars de revenus publicitaires supplémentaires.

 

Bien sûr, on est encore loin des 250 milliards de Google ou des 120 milliards de Meta, mais Apple est désormais un géant de la pub digitale, et toute action contre d’autres médias indépendants, qui ne disposent pas de son assise financière, pourrait effectivement être très mal interprétée par les autorités anti trust de part et d’autre de l’Atlantique.


Pionnier de la presse en ligne avec le lancement de NetEconomie.fr en 1999, Jérôme Bouteiller est… En savoir plus sur cet auteur

Jeudi 26 Septembre 2024

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